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Capture d'écran du site du Journalism GrantJulien Le Bot | Médiacademie

Capture d'écran du site du Journalism Grant

Les médias et groupes de presse ont de plus en plus de mal à financer des projets éditoriaux au long cours - fût-ce du grand reportage, de l’investigation ou de grandes opérations - c’est entendu. Pour autant, il ne faut pas désespérer. Pour les journalistes et entrepreneurs capables de concevoir, de produire et de piloter de bout en bout des projets éditoriaux numériques, il existe des fondations, des bourses ou des institutions encourageant les nouvelles pratiques journalistiques (en particulier sur le numérique) en finançant des projets éditoriaux innovants, des sessions de formation ou encore la conception de MOOCs.

L’European Journalism Center est de ceux-là qui, via l’initiative Journalism Grant financée par la fondation Bill & Melinda Gates, s’efforce d’abonder en moyens financiers des projets “transnationaux, innovants, portant sur les questions de développement.” 53 projets ont été, à ce jour, soutenus avec des bourses allant de 15 000 à 20 000 euros (dont le très beau Reconstruire Haïti diffusé par Rue89, co-piloté par Jean Abbiateci, Pierre Morel, et Florent Maurin).

La prochaine échéance est fixée au 25 février 2015. Il n’est donc pas trop tard si, d’aventure, vous portez un projet, avez identifié une équipe, une histoire, des partenaires (médias) pour la diffusion, et respecté le cahier des charges très précis fixé par l’organisation.

En bref, le Journalism Grant ne finance pas le travail ou les charges fixes de rédactions classiques : les critères d’éligibilité sont clairs. Il faut travailler d’abord et avant tout en réseau avec d’autres journalistes, si possible par-delà les frontières, et observer un certain nombre d’exigences - que nombre de médias devraient s’efforcer de tenter d’appliquer pour continuer de se transformer. Puisqu’il s’agit, dans cet appel à projet, de parler des objectifs de développement (fixé par les Nations Unies, la liste est ici) et d’histoires montrant que des individus ou des micro-sociétés sont en mesure d’inventer des solutions à certaines problématiques, il faut penser au rôle et à l’impact du contenu dans la conversation sur le terrain et sur les réseaux. D’où cette série de critères de sélection qui doivent guider les porteurs de projets :

  • En quoi votre projet parle-t-il autrement des questions de développement ? Comment éviter le “journalisme positif” ou le pathos sans retour ?
  • En quoi votre projet permet-il de dépasser les souverainetés territoriales classiques ? Peut-on s’adresser à une région et/ou des communautés plutôt qu’à un pays ?
  • En quoi votre récit s’approprie-t-il (ou se joue-t-il) les logiques d’interactivité et de partage sur les réseaux sociaux ?
  • En quoi votre approche des formats et de la diffusion permet-elle d’atteindre précisément et pertinemment votre audience ?
  • Enfin, et puisqu’il s’agit là d’une attente devenue courante dans ce genre d’appels à projets : en quoi votre projet, votre news app ou votre investigation sont-ils en mesure de changer la donne ? Quel impact et/ou quel intérêt ?

Il est intéressant d’appréhender le sous-texte de ce genre d’appel à projet : le journaliste n’est plus nécessairement ce clerc salarié qui, fort de son monopole dans l’accès à la sphère publique, joue les intermédiaires dans la circulation de l’information.

C’est aussi (surtout ?) un professionnel capable de produire et de gérer des projets éditoriaux globaux, répondant à des besoins précis (de terrain) ou soulevant des questions sous-exposées dans l’information mainstream, s’efforçant d’animer utilement la conversation (autre nom du débat public ?). L’inverse, en somme, d’un journalisme assis et routinier.