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SnapchatJulien Le Bot | Médiacademie

On ne parle que de ça (sans jamais vraiment y aller). Pour le dire très vite, un journaliste qui n’est pas, au quotidien, sur Twitter, sur Facebook et qui n’utilise pas WhatsApp, ça n’existe (presque) plus.  Après, quand on passe sur Snapchat, là, forcément, c’est autre chose.

Si l’on parle de Snapchat dans une rédaction, la réaction est évidente : tout le monde connaît (de nom), personne n’y est (vraiment). Il n’est qu’à lire l’article rédigé en janvier dernier par Joanna Stern, l’une des journalistes spécialisé “Tech” du Washington Post, pour comprendre : à 31 ans, cette dernière avouait en janvier dernier, un brin penaude, un chouïa amusée, qu’elle avait elle-même du mal à manipuler l’application mobile favorite des plus jeunes.

Snapchat, un public très jeune

Et pour cause, avec Snapchat, on entre dans un tout autre monde puisqu’on y est entre soi quand on a… moins de 35 ans. Les moins de 25 ans, d’ailleurs, représenteraient 60% des “snapchatteurs” quotidiens. Alors quand on veut en savoir plus sur Snapchat (pour tenter d’y voir clair), deux solutions :

(i) soit l’on écluse les billets des futurologues et autres prospecteurs de tout bord (Méta-média est LA source francophone),
(ii) soit l’on tente de lire et d’écluser les récits en immersion qui commencent à foisonner sur la Toile.

Les 4 usages cardinaux sur Snapchat

Le journaliste de FranceTVInfo Vincent Matalon s’est récemment fendu d’une petite enquête sur les usages des adolescents. Cette formidable plongée dans un univers méconnu, documentée et illustrée au terme d’un travail de collecte méticuleux, part d’un bon vieux récapitulatif des usages permis par la plateforme. Sur Snapchat, les plus jeunes pratiquent donc…   

  • Le (t)chat :

Snapchat a beau être un univers visuel, l’application reste l’un des vecteurs privilégiés de… de messages textuels. Rien de neuf sous le soleil, de ce point de vue.

  • Le snap :

Là, c’est visuel, c’est vertical, et c’est une conversation “privée” à la fois éphémère et stylisée à partir de photos ou de vidéos de courtes durée. Pour pratiquer le “snap”, c’est simple, c’est à la gauche de votre appli, et théoriquement, on reste “entre amis”. Et c’est là l’usage principal des “snapchatteurs”. En groupes restreints, mais toute la journée.    

  • Quand le snap devient screen, tout fout le camp :

Un snap trop osé, un snap visuellement fou, drôle ou immanquable peut donner lieu à une capture d’écran qui trahit la promesse de départ : “les snaps s’envolent, mais les screens restent.” Théoriquement, Snapchat l’interdit. Pratiquement, tout le monde le fait.

  • La story (vis ma vie pendant 24 heures, c’est ouvert et c’est gratuit)

L’idée, là, c’est de se mettre en scène : tous les utilisateurs abonnés au compte de de l’émetteur de la story peuvent par exemple assister aux prouesses de ce dernier. Fier d’une performance sportive, fière d’un pas de danse ? Hop, une story, c’est potentiellement 24 heures de gloire.  Là, pour les amateurs ou ceux qui veulent essayer, ça se passe du côté droit de l’application.

  • “Live” story :  

Ce n’est pas de l’info, mais c’est une forme de curation géolcalisée assurée par les (petites) équipes de Paris. Essayez : vous pouvez par exemple, à Paris, retrouver des contenus sélectionnés en fonction de la localisation des utilisateurs. A ce stade, c’est souvent d’une platitude absolue, mais cela permet de zyeuter ce qu’il se passe dans la rue. A Paris, en tout cas. En cas d’évènement majeur, on pourrait imaginer une sorte de kaléidoscope collectif documentant l’humeur d’une ville...

Maintenant, on fait quoi ?

D’abord, il est important de constater que le phénomène de désintermédiation se radicalise : plutôt que de s’abonner au compte Snapchat d’une star du petit écran ou au compte Twitter d’un éditocrate décliniste, il est possible de suivre les stories de son youtubeur préféré qui peut entretenir, au passage, la relation directe qu’il a pu créer avec sa communauté.

Ensuite, l’alternative est simple :  

  • Soit l’on tente de se créer un simple compte pour tester et inventer progressivement de nouvelles façons de diffuser et d'interagir avec le public... De nombreux médias, aux Etats-Unis, ont commencé à tester cette approche modeste. Qui ne donne pas lieu, pour l'heure, à de formidables développements.  En gros, c'est plus souvent du storytelling qu'autre chose. Mais là encore, il faut apprendre à fabriquer des récits adaptés à un public qui écrit lui-même autrement. 
  • Soit l’on attend son tour pour aller sur Snapchat Discover, cette offre spécifique permettant à des médias de disposer de "channels" spécifiques pour diffuser, quotidiennement, des histoires éditées pour ce jeune public. Pour l'heure, en France, il n'existe pas d'offre spécifique, et Snapchat repousse sans cesse le lancement de versions hexagonales tout en annonçant régulièrement... que ça ne saurait tarder. Au-delà, l'étrangeté de ce canal, c'est son dispositif : si l'interaction n'y est pas possible (on diffuse des éditions quotidiennes), l'exigence est forte. Il faut penser et produire pleinement mobile, vertical, visuel (plus encore que vidéos ou photos) pour proposer quelque chose qui tienne la route en terme d'offre. C'est d'ailleurs toute la différence entre le channel de Vox (qui développe une grammaire spécifique) et celui de CNN qui recycle et copie/colle des éléments produits ailleurs. Cela étant, il reste encore difficile de savoir ce qu'il faut proposer pour (réussir à) être lu. En somme, une nouvelle fois, pour ceux qui vont vouloir rejoindre cette plateforme pour y atteindre une audience bien spécifique, il va y avoir beaucoup de boulot. Sans même parler des questions de monétisation desdites audiences.

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