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Les révélations sur l’espionnage massif d’internet par la NSA américaine a levé le voile sur un système tout entier. Celui de l’évolution d’internet vers plus de personnalisation et de services centralisés qui favorise cette surveillance et menace nos libertés.

Pour ceux qui ont pratiqué internet de longue date (depuis les années 90), une impression de lendemain de cuite prévaut depuis quelques mois. Titiou Lecoq résume ce sentiment sur Slate.fr:

En quelques années, [Internet] a connu une métamorphose qui, à titre personnel, me laisse encore ébahie. Internet est devenu exactement l’inverse de ce qu’il était. D’un réseau ouvert, il est devenu un réseau fermé. D’un espace de liberté, il est devenu un espace de surveillance.

9693327611_bf4dd78a83_zFrerk Meyer via Flickr

La journaliste constate que le foisonnement ésotérique et bordélique des débuts avec ses découvertes promises au détour d’un lien (sérendipité) a été remplacé par une navigation bien dégagée sur les oreilles (merci Facebook) avec sa foule de lolcats mais un appauvrissement de la diversité.

Titiou Lecoq remarque par ailleurs que les applications (celles de nos smartphones) nous enferment à nouveau dans l’univers d’un média (ou autre producteur de contenu) en rendant sinon impossible du moins difficile la navigation vers d’autres horizons. Une sorte de négation de ce qu’est le web.

Autre point relevé par la journaliste: le développement du “cloud” et des solutions d’hébergement en ligne de nos contenus qui centralise nos fichiers et permet donc d’installer des péages (sous forme d’abonnement) là où le peer-to-peer proposait d’autres solutions décentralisées.

Changement de paradigme également avec le développement de la personnalisation qui risque de nous enfermer dans notre bulle (la “bubble filter” identifiée par Eli Pariser) et réduire le champ des informations que nous pouvons découvrir en nous limitant à ce que nous connaissons/aimons déjà.

Enfin, le ciblage des internautes va de pair avec une surveillance généralisée (ce sont les deux faces d’une même pièce), souligne Titiou Lecoq et nous ne sommes sans doute qu’au début de la découverte des impacts que ces dispositifs peuvent avoir sur notre vie privée ou sur la vie démocratique de nos sociétés. Le scandale de la NSA pourrait n’être qu’un aimable hors d’oeuvre.

En effet, remarque Hubert Guillaud sur Internet Actu, en citant le hacker-journaliste Bluetouf:

“le scandale Prism c’est effectivement comme si on se réveillait d’une gueule de bois qui a duré 12 ans, comme si il nous avait fallu tout ce temps pour digérer l’amère poussière de l’effondrement des tours du World Trade Center.”

La question est désormais posée: quelle type d’innovation susciter pour nous permettre de reprendre le contrôle sur nos données et l’usage qui en est fait ? Hubert Guillaud mentionne la réflesion de Jérémie Zimmermann de la Quadrature du Net:

D’un côté, nous avons des technologies qui sont faites pour rendre les individus plus libres, par l’ouverture et le partage des connaissances : ce sont les logiciels libres (comme GNU/Linux, Firefox ou Bittorrent), les services décentralisés (que chacun fait tourner sur son serveur ou sur des serveurs mutualisés entre amis ou à l’échelle d’une entreprise, institution, etc.) et le chiffrement point à point (qui permet aux individus de protéger par les mathématiques leurs communications contre les interceptions). De l’autre, nous constatons la montée en puissance de technologies qui sont conçues pour contrôler les individus, voire restreindre leurs libertés en les empêchant d’en faire ce qu’ils souhaitent.

Et le journaliste de conclure qu’il est temps de restaurer le primat de la vie privée. Le seul de nature à garantir notre sécurité.

Les liens:

Sur Slate
http://www.slate.fr/monde/80483/nous-avons-tue-notre-internet

Sur Internet Actu
http://www.internetactu.net/2013/06/20/pour-une-autre-innovation/