Sélectionner une page

On pensait, avec le déclin de la télé traditionnelle, synchrone, et la consommation à la carte des contenus, que le direct avait du plomb dans l’aile. C’était sans compter sur le mobile et les réseaux sociaux. Youtube, Periscope d’abord, puis Facebook et bientôt Instagram ont redonné de la vigueur à l'événement en direct - au “live”.

james_mahon_broadcast_journalistCC - Opal3irl

Médias et marques s’y mettent avec entrain, d’autant plus que le format vidéo semble avoir la cote chez les plus jeunes. Et puis Facebook Live, c’est facile à produire, pas besoin de caméras, ni de montage, un simple smartphone suffit ! C’est du moins ce que la simplicité de l’outil peut laisser comme impression.

Une illusion bien sûr, car d’une part, il faut avoir quelque chose à montrer - tous les sujets ne se prêtent pas à l’exercice. D’autre part, l’animation d’un direct se prépare et, comme en radio ou télévision, le conducteur s’avère précieux. Le succès de l’événement requiert aussi de la promotion en amont, sans parler de la gestion du son qui nécessite un minimum de matériel et de savoir-faire.

Mais, au delà de la qualité des directs qui se multiplient - chacun devenant diffuseur de sa propre vie - le live pose des questions déontologiques majeures.

La première est de savoir si l’on peut et doit tout montrer sans filtre, comme la guerre (bataille de Mossoul) ou le démantèlement sordide de la jungle de Calais. La question n’est pas nouvelle, elle agite les rédactions télévisées depuis longtemps. Mais la simplicité technologique qui généralise l’usage du direct accentue encore la nécessité de se poser certaines limites.

La deuxième interrogation porte sur de la modération de certaines images violentes par les plateformes qui les diffusent. Viol, suicide, meurtre en direct se sont succédés ces derniers temps, sans que ni Twitter, ni Facebook n’interviennent. Que peut-on faire pour limiter le risque de diffusion de ces images d’horreur ? Et doit-on uniquement s’en remettre au contrôle des réseaux eux-mêmes et des normes de leurs créateurs, apparemment beaucoup plus sensibles aux question de moeurs, que de violence ?

La troisième question est de savoir ce que nous apporte finalement cette course à l'échalote, sur le plan de l'information. La plupart du temps, pas grand chose, à part un risque d'erreurs plus grand et une audience plus forte. Le direct répond à un besoin du spectateur, de voir et sentir l'évènement, plus que de savoir, paraît-il.

L’évolution des technologies - en l’occurrence du direct - pose donc aussi la question de notre responsabilité de spectateurs. Il nous appartient in fine de ne pas accepter de regarder l’inacceptable, simplement parce que c’est possible. C’est aussi dans la pédagogie et la discussion que se trouvent une partie de la solution, au delà des réponses technologiques ou juridiques - forcément toujours à la traîne.